Les plantes messicoles, des plantes menacées

 

A part quelques espèces qui se sont fait belles aux yeux des passants, très peu de personne ont entendu parler des messicoles. Pourtant, en vous montrant quelques photos, vous allez vous dire : ah mais oui, je la connais cette plante !! Alors regardez-les, et découvrez ou redécouvrez leurs rôles et leurs intérêts et participez à leur préservation.

 

D’abord, c’est quoi une messicole ?

« Messicole » est un terme récemment proposé par les écologues. Evoluant dans les milieux cultivés, elles ont été longtemps négligées par les botanistes, mais toujours combattues par les agriculteurs. D’ailleurs, le terme le plus couramment employé par l’agriculteur, le jardinier ou le technicien pour désigner les espèces de la flore sauvage infiltrées dans les espaces cultivés est celui de « mauvaise herbe, plante adventice ou encore plante nuisible ». Très souvent, une plante découverte là où on ne l’a pas voulu est considérée comme indésirable. Et pourtant……

Messicole vient du latin messis = moisson, associé au suffixe –cole du latin colere = habiter ; une plante messicole est donc une habitante des moissons. Cet ensemble d'espèces végétales qui ne correspond pas à une famille botanique, se caractérise donc par son habitat particulier ; les champs cultivés.

Elles font parties des plantes sauvages qui poussent au sein des cultures, sans y avoir été, en général, intentionnellement implantées. Elles naissent et vivent au rythme des pratiques agricoles : leur cycle de vie est en phase avec la culture qui les abrite : une germination à l'automne au moment de l’implantation des céréales, ou en début de printemps pour les plus frileuses, et une fructification abondante avant la moisson. Elles parviennent difficilement à se maintenir dans d’autres conditions, ce qui fait leur particularité au sein du groupe des "adventices".

On observe, chez les messicoles, une dominance des espèces annuelles qui réalisent leur cycle biologique entre le semis et la moisson des céréales d’hiver. Certaines espèces vivaces à bulbes sont maintenant considérées comme messicoles en raison de leur dépendance aux perturbations engendrées par l’activité agricole pour se disperser. La majorité de ces plantes sont calcicoles c’est à dire qu’elles poussent préférentiellement dans les sols calcaires.

La communauté des plantes messicoles inclut donc :

  • Des espèces spontanées en France (admise comme spontanée la flore existant sur le territoire aux prémices de l’agriculture, il y a quelque 10 000 ans*), le bleuet fait partie de celles-là,
  • Des plantes anciennement cultivées, qui ont pu se maintenir après l’abandon de leur culture, comme la mâche ou la cameline,
  • Des plantes d’origines géographiques diverses, arrivées en France dès le néolithique par différentes voies de migration à la faveur de la diffusion de l’agriculture et d’échanges de semences : les messicoles menacées de Provence appartiennent à des groupes taxonomiques ayant des centres de différenciation très divers : Ouest-méditerranéen   (Iberis,   Delphinium   section Delphinium,  Consolida section Consolida...), Balkans et Mer  Egée  (Nigella,  Tulipa  section Eriostemones, Orlaya  ...), Anatolie (Hypecoum, Conringia,  Agrostemma), Palestine (Adonis, Turgenia, Roemeria), Sud-Ouest Asie (Glaucium,  Cephalaria),  Centre-Asie  (Gagea,  Tulipa section Tulipa).

 

 

Pourquoi les préserver ?

Les messicoles ont une histoire étroitement liée à la nôtre. Elles font partie, comme les plantes cultivées, d'un patrimoine agricole chargé d'histoire. Utilisées depuis l’Antiquité pour la médecine et l’alimentation mais aussi dans les cultes païens... Bien plus que toutes les autres plantes, les messicoles constituent pour le grand public un symbole de campagne naturelle et vivante (engouement populaire pour Coquelicots et Bleuets) et d’un environnement d’une certaine qualité.

 

Des raisons d’ordre culturel :

Les archéophytes, c’est à dire, introduites avant la découverte européenne des Amériques vers 1500, sont arrivées en France dès la période néolithique marquée par le développement de l’agriculture. Ces plantes nous ont donc accompagné dans notre quotidien à tel point que... 

...Plus que toutes les autres, elles ont été associées depuis fort longtemps à de nombreuses expressions de l’art :

-Dans la peinture que ce soit chez les impressionnistes ou dans l’art nouveau

 

-Dans la chanson avec par exemple " Comme un p'tit coquelicot" de Mouloudji

 

....La première fois que je l'ai vue

Elle dormait, à moitié nue

Dans la lumière de l'été

Au beau milieu d'un champ de blé

Et sous le corsage blanc

Là où battait son coeur

Le soleil, gentiment

Faisait vivre une fleur

Comme un petit coquelicot, mon âme

Comme un petit coquelicot………

 

-Dans l’histoire :

Comme pour le coquelicot anglo-saxon, c’est après la 1ère guerre mondiale, que le bleuet fut institué fleur du souvenir. En France, le bleuet, également présent sur les champs de bataille et dont la couleur rappelle les uniformes des Poilus, est lui aussi devenu fleur-symbole du sacrifice des soldats lors du premier conflit mondial. Les poilus français avaient eux-mêmes choisi cette fleur comme symbole de leur guerre. En 1915, les soldats vétérans de la mobilisation, vêtus de l’uniforme bleu et rouge, ont donné le surnom de « bleuets » aux jeunes recrues qui arrivaient au front, habillées du nouvel uniforme bleu horizon de l’armée française. Charlotte Malleterre et Suzanne Leenhardt, infirmières major, créent en 1925 un atelier à l’Institution nationale des Invalides. Les pensionnaires y confectionnent des bleuets en tissu qu’ils vendent sur la voie publique : un moyen de leur fournir une occupation et une source de revenus. (sources : www.paysagesenbataille.be  et www.defense.gouv.fr)

 

-Elles peuvent aussi avoir des valeurs récréatives :

Essayez-vous avec vos enfants à créer des poupées avec les boutons de coquelicot !

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Des raisons d’ordre économique :

 

-Dans la pharmacopée (plantes médicinales ou vétérinaires) :

Le Bleuet, évoque l’utilisation de l’eau florale pour calmer les yeux et est toujours très utilisé dans les lotions et cosmétiques oculaires et pour apaiser de nombreuses inflammations de la peau et des muqueuses. Il est également utilisé pour ses vertus diurétiques,

La Saponaire des vaches (Vaccaria hispanica (Miller) Rauschert) utilisée depuis longtemps par la médecine chinoise, est très étudiée pour ses propriétés thérapeutiques dues à la présence de saponines triterpénoïdes. (Efthimiadou et al. 2012). Plusieurs études ont révélé un potentiel d’activité anti-cancéreux des extraits de graines (Shrestha et Baik2010), mais elle a aussi été cultivée et utilisée dans l’alimentation bovine pour favoriser la lactation des vaches,

Le Coquelicot (Papaver rhoeas L.), est employé dans certains sirops anti-tussifs ainsi qu’en teintures mères (extraits hydro-alcooliques obtenus par macération hydro-alcoolique des pétales fraiches) pour son action sur les troubles du sommeil de l'adulte et l'enfant et également pour son effet sédatif sur la nervosité,

Le Souci des champs (Calendula arvensis L) ainsi nommé au moyen-âge à partir du latin calendae, 1er jour du mois, à ne pas confondre avec le Souci officinal… est bien connu dans la thérapie traditionnelle marocaine et encore aujourd’hui plusieurs études ont démontré ses importantes propriétés antibactériennes et antimicrobiennes dues à sa teneur en résines mais aussi anti-inflammatoires et antidiabétiques.

 

-Dans l’alimentation :

Crédit photo : Perles de raisin au bleut et aux pistaches - Femme actuelle

Des études ont été menées sur la Saponaire des vaches (Vaccaria hispanica (Miller) Rauschert), dont les graines contiennent 60 à 65 % d’amidon et auraient des propriétés gélatinisantes et gélifiantes (Biliaderis et al., 1993),

Le Coquelicot (Papaver rhoeas L.), peut être employé pour réaliser des gelées, tisanes et sirops. Les graines sont en outre utilisées en pâtisserie, cependant que la jeune rosette s’emploie en salade ou dans des soupes d’herbes.

Le Souci des champs (Calendula arvensis L) était utilisé au 16ème siècle, consommée en salade, de même, les fleurs séchées étaient utilisées en cuisine pour la coloration du beurre, du fromage et du riz, et pour cette raison elle est appelée « le Safran des pauvres ».

La Cameline (Camelina sativa (L.) Crantz) était cultivée pour l’extraction de son huile, très riche en oméga 3 et vitamine E, pour être utilisée comme huile culinaire partout en Europe jusqu’au milieu des années 40. Sa grande sensibilité à l’oxydation et aux hautes températures a entrainé l’arrêt de son utilisation pendant plusieurs décennies mais ses qualités nutritionnelles la fait revenir sur le devant de la scène, ces dernières années.

 

-Dans le textile :

Le Coquelicot (Papaver rhoeas L.) est une plante tinctoriale. C’est la décoction des pétales qui est utilisée. Et bien entendu, votre tissu ne sortira pas rouge mais vous obtiendrez une teinture allant du violet intense au bleu lavande suivant la matière de votre tissu (coton, soie, lin, laine…) !

 

-Dans l’ornementation :

Le Glaïeul des champs (Gladiolus italicus Miller) et le Pied d’Alouette des moissons (Consolida regalis S.G.  Gray), ont été cultivés dès les XVème et XVIème siècles pour l’ornement.

Encore aujourd'hui, ce règne végétal constitue un vaste réservoir de molécules et substances utiles, à préserver dans sa globalité.

 

Des raisons d’ordre biologique ou écologique

Avec le développement de l’agriculture moderne, la gestion intensive des adventices, liée aux risques de perte de rendement et à la dégradation de la qualité de la récolte, a largement conduit à leur régression dans les milieux cultivés au cours de ces dernières décennies.

 

Pourtant, les messicoles rendent de multiples services, importants aujourd’hui et qui seront primordiaux demain ; elles contribuent au maintien :

  • Des insectes pollinisateurs et auxiliaires des cultures : plusieurs études ont montré que la présence de différentes et nombreuses ressources florales suffit à satisfaire les besoins spécifiques des insectes pollinisateurs sauvages (abeilles, bourdons, syrphes, tachinaires…) et favoriser ainsi leur diversité. De façon directe, elles constituent d’importantes ressources alimentaires par la production de nectar et de pollen comme pour exemple le coquelicot, mais aussi de façon indirecte en étant elles-mêmes des plantes hôtes pour les insectes qui serviront de nourriture dans la chaine alimentaire, comme le puceron du bleuet strictement inféodé à cette plante.

  • D’une biodiversité plus large car de nombreux organismes (oiseaux des plaines, mammifères et même arthropodes) sont dépendants de la ressource trophique que représentent ces communautés végétales, en effet, leurs feuilles, tiges et graines peuvent être consommées.
  •  

  • D’un véritable patrimoine génétique ; ce sont des « archives » biologiques et historiques comme le souligne Philippe Jauzein. A l’heure du changement climatique et de la nécessaire adaptation au réchauffement climatique, la conservation de ce patrimoine génétique sauvage ou anciennement domestiqué constitue un enjeu majeur.

 

La connaissance est essentielle pour la prise en compte des messicoles au sein des champs cultivés et la sensibilisation à leur conservation devient urgente. Et puisque connaître est le premier pas pour mieux préserver, un certain nombre d’actions sont mises en place

 

Les actions menées par les acteurs locaux

À la suite de la conférence sur l'environnement et le développement durable de Rio de Janeiro en 1992, les plantes messicoles ont été inscrites au programme d'action de la France pour la préservation de la faune et de la flore sauvages, en application des engagements pris lors de la conférence (Ministère de l'environnement, 1996).

En 1993, un 1er colloque est entièrement consacré à la problématique des messicoles. Botanistes, malherbologues et conservateurs se demandent alors : « Faut-il sauver les mauvaises herbes ?» (Colloque de Gap, 9-12 juin 1993).

Différentes initiatives sont montées dans plusieurs régions. En Midi Pyrénées, un 1er travail coordonné a été mené sur les messicoles à partir de 2005 qui initie la mise en place du 1er Programme Régional d’Action sous forme partenariale coordonné par le CBN Pyrénées et Midi-Pyrénées jusqu’en 2011.

En 2012, un Programme National d’Action verra enfin le jour. Le CBN Pyrénées et Midi-Pyrénées a été mandaté par le réseau pour assurer son animation. En parallèle, la poursuite de la démarche partenariale régionale est soutenue par la Région Occitanie et l’Union européenne (Fonds européens de développement régional). ainsi que la DREAL.

 

Actions en cours dans les départements ex-Midi-Pyrénées :

-L'EVALUATION DE L’ETAT DE CONSERVATION DE LA SOUS-TRAME

-LA SENSIBILISATION, FORMATION ET ACCOMPAGNEMENT DES ACTEURS DU TERRITOIRE

-L'ANIMATION ET LA MUTUALISATION DES EXPERIENCES ET LEUR COORDINATION

 

Zoom sur... La filière Végétal Local

On trouve, aujourd’hui, ces espèces méconnues dans des mélanges fleuris sous la forme de cultivars horticoles améliorés – et qui sont à proscrire pour préserver les génotypes sauvages, dans les parcelles cultivées, en restauration des milieux naturels ou même pour l’embellissement des communes dans la gestion de leurs espaces verts urbains !

La filière de production de graines locales a pour objectif de proposer aux collectivités, ainsi qu’aux apiculteurs et agriculteurs, des mélanges composés d'espèces de messicoles d'origines sauvage et locale, adaptées à l'aire biogéographique où elles sont commercialisées.

 

En effet les risques d'utiliser des jachères fleuries composées d'espèces exotiques et/ou horticoles sont :

-Avoir des croisements génétiques entre les souches sauvages et horticoles. Par exemple une thèse sur le bleuet a montré que ces croisements entre bleuets horticoles et bleuets sauvages a conduit à une dépression génétique de Centaurea cyanus. (Bellanger, 2011).

-Avoir une plus faible réserve de nourriture pour les insectes pollinisateurs. En effet Solène Bellanger a montré dans sa thèse que les bleuets horticoles ont des inflorescences dit à "double pompons" avec plus de fleurs stériles, sans nectar ou pollen, alors que les bleuets sauvages n'ont qu'une seule couronne de fleurs stériles et des fleurs fertiles riches en pollen. (Bellanger, 2011).

 

Porte-drapeau, symbole ... elles représentent non plus le conflit entre agriculture et environnement mais leur point de rencontre (A. Rodriguez at al. _ 2018). Depuis la période de l’après-guerre, l’homme a étudié de manière inlassable les effets négatifs des adventices sur les productions agricoles en oubliant quasi automatiquement de contrôler s’il y avait des bénéfices. Pendant longtemps, les moyens de l’agriculture moderne ont permis produire plus mais n’ont-ils pas donné l’illusion de produire « mieux » ?

Aujourd’hui, certaines barrières techniques (résistances notamment), de plus en plus nombreuses, font leur apparition. En parallèle, les nouvelles technologies en recherche, autorisent des analyses plus poussées. Il y aurait vraisemblablement des recherches complémentaires à faire sur des synergies potentielles, à substituer à un objectif d’élimination pur et simple. En outre, est-il souhaitable de remplacer ces « espèces peu gênantes » par des pestes qui pullulent, de plus en plus résistantes aux herbicides ? (CHAUVET ET OLIVIER, 1993).

 

Ainsi, il semblerait que certaines messicoles jouent un rôle bénéfique pour les cultures. Les travaux de WELTE et SZABOLCZ, 1997, cité par ABOUCAYA et al., 2000 montrent que la Nielle des blés (Agrostemma githago L.) favoriserait le développement du blé, d’une part en produisant une sorte d’engrais (agrostemine), d’autre part en limitant la croissance d’autres espèces grâce à une saponine inhibitrice présente dans le tégument de la graine.

 

 

N’hésitez pas à contacter l’ADASEA du Gers. Son rôle est d'apporter un appui technique aux gestionnaires de milieux cultivés et aux collectivités pour les accompagner dans une gestion de conservation de ces espèces. Cette action est cofinancée par la Région Occitanie, l’Union européenne (Fonds européens de développement régional) et la DREAL Occitanie.

 

 

« Une mauvaise herbe est une plante dont on n'a pas encore trouvé les vertus »

Ralph Waldo Emerson

 

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